Journée Mondiale de la Liberté de la Presse. Le journalisme à Madagascar face à de nombreux défis

L’ONG ILONTSERA félicite tous les journalistes Malagasy, de tous types de médias et tendances confondus, à
l’occasion de cette journée mondiale de la liberté de la presse. Et ce, malgré les conditions de plus en plus difficiles
faites de défiance et de précarité, dans lesquelles ils et elles mènent leur mission d’information. Mais encore, dans un
climat de forte politisation et de polarisation des médias surtout par ces temps d’élection, la sécurité des journalistes
est souvent remise en question ; la dernière présidentielle nous en a montré l’exemple. D’autant plus que le
journaliste doit (sur)vivre dans cette hégémonie technologique éternelle, caractérisée actuellement par la dictature
de l’Intelligence Artificielle, d’internet et des réseaux numériques, au centre de la fabrication et la consommation de
l’information et de la désinformation, chamboulant tous les modèles économiques traditionnels.
Et pourtant le métier de journaliste s’avère plus que jamais crucial. Le journaliste reste un des principaux acteurs face
aux challenges que le pays doit relever dont, non exhaustivement, la bonne gouvernance, la lutte contre la corruption,
le pilier du développement socioéconomique (éducation, santé, emploi) et en particulier dans le combat contre les
injustices climatiques et pour la protection de l’environnement. Pour faire face à ces réalités, la communication ne
suffit plus. Le travail journalistique doit prendre le relais pour une approche de fond en attaquant les maux à la base,
à coups de recherche, d’analyse, d’investigation, de propositions. Le tout dans le respect de l’éthique et de la
déontologie, et des valeurs pour lesquelles les journalistes ont choisi ce métier.
Mais ceci ne peut se faire sans disposer des réponses à plusieurs problématiques qui pendent encore sur la profession,
conditions sine qua non pour que l’environnement puisse évoluer avec plus d’apaisement. Nous citerons entre autres
la mise en place effective de l’Autorité Nationale de Régulation de la Communication Médiatisée (ANRCM), l’adoption
du projet de Loi sur l’Accès à l’Information à Caractère Public (LAICP), la revalorisation des conditions salariales, la
pérennisation d’un système de protection des journalistes dans l’exercice de leurs missions, la sécurisation de la
règlementation sur la couverture nationale et la Télévision Numérique Terrestre (TNT). Devrions-nous rappeler en ce
jour que certaines chaînes dont celles de l’opposition ne peuvent toujours pas être diffusées via les bouquets
satellitaires, d’autres ne peuvent apparaître que sur Internet (quid de la connectivité et de l’augmentation du coût
des Data), sans oublier le cas des patrons de presse qui sont toujours en prison ? Que des faits qui devraient nous
interpeller tous, sans distinction, car la lutte pour la liberté (de la presse) est une affaire de toutes et tous ;
aujourd’hui comme à l’avenir.
Une lueur d’espoir est-elle permise avec la candidature d’une douzaine de journalistes aux prochaines législatives ?
Une grande première, mais emblématique du contexte politico-médiatique du moment. Il peut témoigner d’une
certaine volonté de prise de responsabilité pour que le métier ne se résume pas qu’aux histoires d’enveloppes de
« felaka ». Ces futurs députés de Madagascar pourront surtout peser de tout leur poids sur l’amélioration du cadre de
régulation et de protection avec notamment le vote de la LAICP et l’instauration d’un système de protection pérenne.
Des actions qui seront bénéfiques pour toute la profession, quel que soit le bord politique et quel que soit le régime
en place. Ils pourront contribuer à l’instauration de ce climat de paix dont a besoin le métier pour que la presse ne
soit qu’un outil de propagande ou pire de règlement de compte et de vengeance politique, au détriment in fine du
droit fondamental des citoyens à accéder à des informations de qualité.
Ce droit fondamental des citoyens devrait être le repère partagé par tous les acteurs de l’environnement
journalistique malagasy, conscients des enjeux du métier dans une société où tout semble à reconstruire. Une
représentation qui malheureusement se généralise, devant amener chaque journaliste à travailler de manière
réellement éthique, même si les contextes social, économique et politique tendent à l’en empêcher. Y résister, à
défaut de les combattre, est déjà une contribution dans cette quête de liberté de la presse, particulièrement dans nos
démocraties en co-construction.

 

Fait à Antananarivo, le 3 mai 2024

ILONTSERA

Ivompandalinana ny tontolon’ny serasera marolafika eto Madagasikara

Observatoire des Médias et de la Communication à Madagascar

Media Matters Madagascar